A Bruxelles, l'ambition climatique face à des vents contraires
Quelle place pour le climat dans la nouvelle Commission européenne dont la composition sera annoncée la semaine prochaine ? En quelques années, l'atmosphère politique a profondément changé à Bruxelles, les grandes ambitions environnementales ne figurent plus en haut des discours.
Le contraste entre 2019 et 2024 est saisissant.
Il y a cinq ans, les Verts s'offraient une percée au Parlement européen avec plus de 70 élus dans le sillage d'une campagne marquée par les marches des jeunes pour le climat. En juin, les écolos ont perdu une vingtaine d'eurodéputés et la principale leçon du scrutin est la poussée de l'extrême droite, qui ferraille régulièrement contre l'écologie "punitive".
Pour Luke Haywood, de l'European Environmental Bureau, une fédération d'ONG, le risque est clairement identifié: un retour au "court terme" qui relèguerait au second plan les ambitions climatiques des Vingt-Sept.
Au cours du mandat écoulé, la Commission - l'organe exécutif des institutions européennes - est parvenue à faire adopter au Parlement un ambitieux "Green Deal", incarné par l'ancien commissaire européen néerlandais Frans Timmermans, avec des mesures qui ont marqué les esprits comme l'interdiction à la vente de voitures thermiques neuves en 2035.
Qui sera chargé cette fois de mettre en musique ce Pacte vert ?
Le profil de la socialiste espagnole Teresa Ribera plaît aux ONG, mais ses positions antinucléaires ne sont pas du goût de certains Etats membres. La répartition probable des dossiers environnementaux entre plusieurs portefeuilles, liés à l'économie et la décarbonation de l'industrie, sera scrutée avec attention.
"Le climat doit être très présent dans les portefeuilles de la Commission", estime Luke Haywood.
- "Détricotage en règle" ? -
L'Union européenne s'est fixé pour horizon d'atteindre la neutralité climatique en 2050. Et l'un des premiers dossiers de la nouvelle Commission sera de négocier l'objectif 2040, pour lequel elle recommande une baisse de 90% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
A droite, le PPE regarde ce chiffre avec circonspection. La baisse de 90% des émissions en 2040 est "extrêmement ambitieuse". "Nous devons discuter avec les parties prenantes pour voir si c'est réalisable", a déjà prévenu l'eurodéputé Peter Liese.
Plutôt qu'une écologie "d'interdictions", la droite pousse pour un rééquilibrage et davantage de "pragmatisme".
A la tête de la Commission, Ursula von der Leyen assure maintenir un "engagement très clair" sur "l'objectif de neutralité climatique" en 2050 mais de manière "ouverte aux technologies, avec des investissements et des innovations".
Chez les centristes de Renew, on défend une "ligne claire": "On ne remet pas en cause le Green Deal". "On sera vigilant sur le fait de ne pas détricoter et sur la nécessité de dégager les investissements nécessaires", promet la cheffe de groupe Valérie Hayer.
Après les grands objectifs du précédent mandat, l'heure est à leur délicate mise en œuvre sur le terrain, et aux inévitables bras de fer avec les lobbies.
"Ce qu'ils appellent (à la Commission) la mise en application, ça veut dire la pause, ou des retours en arrière", accuse déjà Manon Aubry, présidente du groupe de gauche radicale.
"Ca va être un détricotage en règle. Dans la dernière année déjà, on a au mieux limité les dégâts", estime-t-elle, avec une série de concessions accordées aux agriculteurs sur les règles environnementales en plein mouvement de colère du secteur.
De nombreux dossiers liés au climat attendent la nouvelle commission. Outre l'objectif 2040, plusieurs législations déjà votées comprennent des clauses de révision, et une nouvelle politique agricole commune doit être négociée pour 2028-2034.
L'Union européenne est par ailleurs confrontée aux pressions d'une série de pays dont les Etats-Unis et le Brésil, hostiles à la nouvelle règlementation contre la déforestation. Rio vient de dénoncer une loi "punitive" et menaçante pour ses exportations, en appelant l'UE à reporter l'entrée en vigueur du texte, prévue fin décembre.
Autre enjeu essentiel, la nouvelle Commission devra mettre concrètement en place le "devoir de vigilance" des grandes entreprises, susceptibles d'écoper d'amendes si elles ne respectent pas de nouvelles règles en matière de respect de l'environnement et des droits humains.
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