Prix de l'électricité: le Sénat prône une baisse ciblée de la fiscalité
La baisse du prix de l'électricité doit passer par "une baisse ciblée" de la fiscalité, selon un rapport spécial du Sénat publié jeudi, relevant qu'"une baisse générale et indifférenciée de la TVA serait très coûteuse pour nos finances publiques et particulièrement injuste".
Pour la commission d'enquête sénatoriale sur l'électricité, le taux de TVA devrait être réduit de 20% à 5,5% pour la "consommation de base" des ménages, définie par un certain volume, et laissé à 20% au-delà. Ajoutée à l'instauration de contrats sur le nucléaire d'EDF, cette proposition réduirait la facture électrique des Français de plus de 40% pour la consommation de base, indique le rapport.
A l'initiative des centristes, cette commission transpartisane, installée au terme d'une crise de l'énergie qui a vu en 2022 les factures s'envoler, a entendu plus de 140 personnes en six mois.
Son rapport est publié alors que le sujet anime la campagne des législatives: le RN notamment promet de réduire la TVA sur les énergies à 5,5% de manière indifférenciée.
Le rapport du Sénat recommande, lui, de cibler cette baisse.
"L'idée est de baisser de façon ciblée et non générale car cela peut coûter très cher, et ce n'est pas juste," dit à une journaliste de l'AFP le centriste Vincent Delahaye.
La réduction proposée concernerait la "consommation de base" d'un ménage, soit 4,5 mégawattheures par an (MWh/an) s'il n'y a pas chauffage électrique et 6 MWh/an avec chauffage électrique. Sous ce volume, la TVA serait abaissée à 5,5%, l’accise sur l'électricité passerait de 21 euros actuellement à 9,5 euros/MWh, et la contribution d'acheminement (CTA) serait supprimée.
"Tout le monde en bénéficie, sur un certain volume, qu'on pourrait appeler la +consommation de première nécessité+, pour éclairer, cuisiner... Après, si vous avez une piscine chauffée ou autre, là on ne vous aide pas particulièrement", explique M. Delahaye.
Cette mesure coûterait selon lui 3,5 milliards d'euros annuels -- contre 12 milliards pour une baisse générale, estime Bercy.
Le rapport soutient aussi la mise en place de contrats avec EDF pour son nucléaire existant, à 60-65 euros/MWh. Il s'agirait de contrats CFD ("contrat pour différence"), avec, selon le niveau de prix du marché, un prix garanti ou au contraire reversement du surplus à l'Etat.
- "programmation énergétique" -
Pour un ménage dans un quatre-pièces chauffé à l'électricité consommant 6 MWh/an, ce serait 600 euros en moins sur la facture annuelle, selon les sénateurs. Et près de 7.000 euros en moins pour un boulanger consommant 99 MWh.
Le rapport se penche aussi sur la production électrique de demain, alors que les besoins devraient croître de 38% d'ici 2035 (jusqu'à 615 TWh par an) et à 700 TWh en 2050.
La France devra, d'ici 2035, assurer une "prolongation optimisée" de son nucléaire et "un essor raisonnable" des capacités renouvelables, estime le rapport, voté à l'unanimité des 23 membres de la commission moins l'élu écologiste.
D'ici 2050, il sera "nécessaire de prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans", et construire 14 réacteurs -- nombre déjà annoncé par le gouvernement. Selon la capacité à le faire, la production nationale électrique serait de 700-850 TWh en 2050, avec 52% à 61% assurés par l'atome, dit encore le rapport.
Quant aux renouvelables (éolien, solaire), "plus les mix électriques en comportent une part significative, plus le coût de production moyen est élevé", du fait du besoin d'investissement dans les réseaux, souligne le rapport, qui invite à "optimiser" les plans de modernisation des réseaux.
La commission alerte enfin sur "le risque, trop peu évoqué, de raréfaction de l’uranium naturel à une échéance assez rapprochée", si certains pays relancent l'atome comme annoncé, et appelle à "relancer au plus vite la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides" permettant de "recycler nos propres déchets".
"La France a plus que jamais besoin d'une programmation énergétique à long terme", estime donc le Sénat.
Le gouvernement avait renoncé à soumettre le sujet au Parlement faute de majorité.
"On compte bien remettre le sujet à l'ordre du jour", dit aujourd'hui M. Delahaye. "Il faudra peut-être laisser retomber la fièvre électorale. Mais ce sont des sujets sur lesquels on peut arriver à trouver des consensus, à partir du moment où on raisonne sur les chiffres".
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