Ames blessées, militaires et chiens s'adoptent pour renouer avec la vie
Aux aguets, Nicolas surveille tout sur cette place de Carcassonne à l'ombre de platanes où ce militaire, souffrant d'un traumatisme psychique, fait une pause avec son chien, éclopé comme lui et qu'il a adopté pour retrouver goût à la vie, ensemble.
L'hypervigilance, "c'est la déformation professionnelle, plus le SPT (trouble de stress post-traumatique) arrivé après", explique ce sergent de 37 ans qui se tranquillise au contact de Pralin.
"Il sent que je suis en tension. Il se rapproche de moi", explique-t-il à l'AFP en caressant le grand chien.
Nicolas a servi en Afghanistan, dans les rangs du 13e Régiment de génie blindé, basé à Valdahon (Doubs). Une mission, dont il préfère ne pas parler, l'a brisé. Depuis la fin 2019, il est en congé de maladie.
- Retrouver un rythme -
Décidé à s'extirper de ce trouble de stress post-traumatique qui l'a amené à s'isoler, à ne plus manger ni dormir régulièrement, il s'est inscrit à l'un des stages du programme Arion de médiation canine, organisés une fois par an à Carcassonne. Le 3e s'est achevé en juin.
Ce programme a été lancé en 2021 par la Cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (Cabat), avec le 132e régiment d'infanterie cynotechnique implanté à Suippes (Marne) et l'université Sorbonne-Paris Nord.
Contrairement à d'autres, il n'implique pas des chiens d'assistance aux personnes souffrant de handicap.
Son originalité tient au fait "qu'une personne blessée psychiquement rencontre un animal qui lui-même a été blessé dans sa trajectoire de vie et, de là, se crée un binôme qui va pouvoir se reconstruire", précise Christophe Blanchard, le référent scientifique.
"Des gens désocialisés, qui ne sortaient plus de chez eux (...), se remettent en mouvement grâce au chien" qu'il faut promener, nourrir, ajoute ce sociologue spécialiste en médiation animale, enseignant à Sorbonne-Paris Nord.
Proposés aux militaires quelle que soit leur arme, les stages se déroulent sur cinq semaines, encadrés par des maîtres-chiens du 132e qui, en collaboration avec la SCPA, présélectionnent les animaux.
La première semaine, militaires et chiens se choisissent, s'apprivoisent, sortent dans la campagne, les animaux étant chaque jour ramenés au refuge.
Puis, les stagiaires rentrent chez eux réfléchir. Ils reviennent en 3e semaine vivre 24 heures sur 24 avec leur nouveau compagnon, dans des gîtes tranquilles. De là, ils vont en ville affronter le stress de la rue, ensemble.
Nicolas a appris à être "ferme, mais cool en même temps" avec Pralin, à ne pas "tenir toujours la laisse tendue" car ainsi se transmet l'anxiété.
Ensuite, les militaires emmènent leur chien découvrir son futur foyer, avant de revenir pour formaliser l'adoption.
- Une année de suivi -
Au fil des semaines, "s'instaure la confiance (...) A un moment donné ça se rejoint et, quand on arrive à cette symbiose, ils s'entraident pour avancer", explique Frédéric Degré, 56 ans, l'un des trois maîtres-chiens impliqués.
Pour vérifier que tout se passe bien, ces experts se rendent au domicile des stagiaires avant l'adoption, puis une fois par mois pendant un an.
A raison de quatre par session, peu de blessés encore ont bénéficié du programme. "On espère que ça va se répandre", déclare le colonel Armel Jorrot, chef de la Cabat, évoquant une convention nationale avec la SPA en vue de stages ailleurs en France.
"Pour ça, ajoute-t-il, il faut suffisamment d'experts et des blessés qui acceptent cette proposition", intégrée dans le parcours de soins comme, entre autres, des stages de sport.
Soulignant que le programme Arion est "en phase d'expérimentation", la secrétaire d'Etat auprès du ministre des Armées Patricia Miralles affirme que, "si ça fonctionne, on continue" et "s'il y a besoin de formations, on le fera!"
Applaudi par ses co-stagiaires, Nicolas a signé l'adoption de Pralin. "C'est comme si je m'engageais! (...) Il n'est pas là que pour moi, je suis là aussi pour lui", souligne-t-il, heureux de "reprendre un rythme de vie normal".
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