A Roubaix, enfants polyhandicapés et valides accueillis ensemble dans une crèche
"Tout est normal pour un tout-petit": à Roubaix, une crèche accueille ensemble enfants polyhandicapés et valides, un vivre-ensemble précoce stimulant mais encore "trop marginal".
Dînette, jeux de construction, petites voitures, tapis de motricité... Baignée de lumière, cette crèche du Nord, du réseau "Rigolo comme la vie" ressemble à n'importe laquelle.
Bérénice et Hippolyte écoutent des comptines, Kyllian et Diane se réveillent de leur sieste et Lara réclame sa maman.
Aydine, deux ans, porteur de polyhandicap, est installé dans un siège adapté, au milieu des autres enfants qui lui tendent des jouets qu'il s'amuse à jeter dans une caisse.
"C'est un groupe, on ne scinde pas les enfants en situation de handicap et ceux qui ne le sont pas, et la cohabitation se passe bien à l’image de n’importe quelle structure", affirme sa directrice, Marie Guyot.
Ici, une infirmière est présente en permanence. Kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes et rééducateurs viennent ponctuellement, dispensant enfants et parents de trajets chronophages.
"Le point d’entrée est de regarder l’enfant non pas dans ce qu’il est physiquement, mais dans ses besoins fondamentaux, le lien d’attachement, l’estime de soi, le vivre ensemble, la sociabilisation...", complète Jérôme Obry, directeur général de ce réseau de crèches.
- "Capacité d'empathie" -
Pour les enfants handicapés, "la collectivité est bénéfique, stimulante, ils vont y développer leurs interactions sociales, ça peut les aider à progresser", selon la directrice de l'établissement, un des rares en France à proposer cet accueil.
C'est aussi "bénéfique pour tous les enfants qui sont dès le plus jeune âge dans le vivre ensemble, ça développe les capacités d’empathie, de tolérance, d'entraide".
"Entre les enfants, les échanges sont naturels, il n’y a aucune mise à l’écart, ils s'intéressent et s'encouragent", témoigne Chloé Regolle animatrice. "Ils se challengent, parce que le copain y arrive on a envie d’y arriver aussi, on a envie de jouer avec les autres".
"Les tout-petits ne peuvent pas être discriminants, ils n’ont pas encore un regard forgé par une conscience des normes physiques ou comportementales, tout est normal pour un tout-petit", explique la psychologue Sylviane Giampino, spécialiste de la petite enfance, vice-présidente du Haut Conseil de la Famille.
Si ce processus d'inclusion a lieu plus tard, à l'entrée à l'école, "les enfants sont déjà normés dans leur regard": s'installe alors "une base d’étrangéité" qui peut "insécuriser" les enfants, au risque de provoquer "des attitudes inadaptées" et instaurer une "distance" entre eux, explique la psychologue.
- "Société non-discriminante" -
Cette crèche, créée en 2010, accueille dès 10 semaines 25 enfants, dont huit en situation de polyhandicap, qui peuvent y rester jusqu'à six ans, encadrés par neuf adultes.
Y obtenir une place a été un "soulagement", pour Amina Chebab, 27 ans, mère de Leyna, trois ans. Elle salue "le soutien" apporté aux parents. "Quand je la dépose, je suis sereine, je sais que l'équipe va savoir s’occuper d’elle par rapport à son cas spécial".
L’inclusion des enfants est aussi "une formidable opportunité d’accompagnement des familles" permettant de lutter "contre l’isolement terrible des parents qui ont un enfant différent", souligne Sylviane Giampino.
L’accès à la collectivité est un droit pour tous les enfants, mais les parents peinent pourtant à trouver une place.
"Il y a des résistances humaines à l’inclusion avec la peur des professionnels de ne pas savoir faire", mais "les vraies résistances sont réglementaires, il faut des effectifs dans les modes d’accueil qui soient décents" or il y a un manque de personnel, regrette Mme Giampino.
Pourtant "sur le long terme et sur l’ensemble de la société" c'est "un investissement qui en vaut vraiment la peine", estime-t-elle. L'inclusion précoce est "un formidable outil pour préparer une société non-discriminante".
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