La BCE reste floue sur une remontée des taux malgré l'inflation record
La Banque centrale européenne (BCE) a confirmé jeudi la normalisation en cours de sa politique anti-crise, mais sans se montrer plus explicite sur une première hausse de taux en dépit de l'inflation galopante, restant préoccupée par le risque de récession.
A l'issue du Conseil des gouverneurs, dont les observateurs n'attendaient pas de décision majeure, l'institut a réitéré son signal de mars en faveur de la stabilité des prix, annonçant que les achats nets d'actifs, effectués dans le cadre de l'APP, prendront fin au "troisième trimestre".
Et il est toujours prévu que la première hausse des taux intervienne "quelque temps après", sans plus de précision. La BCE les a maintenus jeudi à leur niveau historiquement bas.
L'institution de Francfort est à présent la plus attentiste des grandes banques centrales, alors que la guerre en Ukraine a donné un brutal coup d'accélérateur aux prix avec des effets qui pourraient s'installer dans la durée.
Partout ailleurs, les taux d'intérêt ont commencé à augmenter, la dernière annonce en la matière émanant jeudi de la Banque centrale de Corée, au nom de la lutte contre la forte inflation.
Décidée de longue date, la première hausse du côté de la banque centrale américaine (Fed), d'un quart de point de pourcentage (0,25%) en mars, sera suivie de plusieurs autres.
La BCE hésite à serrer la vis même si elle est sous pression au vu du niveau record des prix en mars, l'inflation en zone euro frôlant les 8% sur un an, soit près de quatre fois l'objectif de 2% visé par les gardiens de l'euro.
- "Colombes" versus "faucons" -
Mais rien n'est simple car l'horizon économique s'est considérablement assombri avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Nombre de pays de la zone euro pourraient connaître un recul du PIB au cours des prochains trimestres.
S'ajoutent les confinements stricts en Chine, comme à Shanghai, destinés à empêcher la propagation du Covid-19. Cela perturbe de nouveau le commerce maritime, à un moment où les pressions sur les chaînes d'approvisionnement semblaient s'atténuer.
En principe, une banque centrale ne devrait "pas réagir à un tel choc d'offre si ses effets sont perçus transitoires", explique Bruno Cavalier, économiste chez Oddo.
Mais sur ce point, la BCE est restée divisée jeudi, à en croire le communiqué de décisions de politique monétaire qui suggère des décisions à venir au plus tôt lors de la prochaine réunion de juin.
Dans le camp des "colombes" favorables au maintien d'une politique monétaire accommodante, l'italien Fabio Panetta, membre du directoire faisait dernièrement valoir qu'une telle flambée des prix, liée aux coûts élevés de l'énergie et des aliments, échappait largement au contrôle de la BCE et qu'une réaction trop rapide risquait de saper l'activité et l'emploi.
Les "faucons", partisans d'une approche stricte et prenant lentement l'ascendant dans le débat, voient eux le risque d'une inflation s'enracinant au fil du temps avec le risque de pressions accrues pour des hausses salariales.
L’enjeu étant dès lors de faire réagir à temps la politique monétaire, faute de quoi l'institution perdrait en crédibilité.
- Rendements souverains -
Mme Lagarde sera aussi questionnée devant la presse à partir de 12H30 GMT sur de possibles outils à déployer face au risque de "fragmentation de la zone euro", comme évoqué récemment par le chef économiste de la BCE, Philip Lane.
Ce début de fragmentation, au sein d'une zone composée de 19 pays aux économies très disparates, se manifeste récemment dans la hausse des rendements d'emprunts d'Etats.
C'est le signe que les marchés se préparent à être sevrés de liquidités après sept années de rachats de dette par la BCE, puis à voir les taux remonter pour la première fois depuis 2011.
Si l'institution francfortoise temporise encore sur le calendrier de hausse des taux, c'est parce qu'elle a "probablement besoin de plus de clarté sur les perspectives de croissance, d'inflation et de rendements obligataires avant de prendre des décisions importantes" et "concrètes" plutôt en juin, selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.
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