En Bretagne, le défi du nettoyage des déchets plastiques chez les fous de Bassan
Des milliers de nids attendent le retour prochain des fous de Bassan en Bretagne. L'unique colonie en France niche sur l'île Rouzic (Côtes d'Armor), fermée aux humains, mais pas exempte pour autant de déchets plastiques qui se transforment en piège pour ces oiseaux marins.
Au large de Perros-Guirec, la réserve naturelle nationale des Sept-Iles, dont Rouzic, abrite environ 11.500 couples de fous de Bassan. En 2022, ils étaient encore 19.000.
"La colonie a été décimée par la grippe aviaire", explique à l'AFP Cédric Marteau, directeur général de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) qui gère la réserve. D'autres menaces pèsent sur ces animaux, comme la diminution des ressources en maquereaux ou le réchauffement climatique.
Or chaque année, 30 à 50 de ces volatiles qui peuvent mesurer jusqu'à 1,80 mètre d'envergure, sont retrouvés morts sur l'île Rouzic, pris par les pattes, les ailes, la tête ou le bec dans des cordelettes ou des filets souvent issus d'engins de pêche.
Pour tenter de limiter cette mortalité, l'Office français de la biodiversité (OFB), en partenariat avec la LPO, a lancé une opération de nettoyage avant le retour, attendu dans les prochains jours, des fous de Bassan dans leurs nids, construits à même le sol. Les couples y élèveront leur unique oisillon jusqu'en octobre.
Le programme, financé par l'Union européenne, est prévu pour durer cinq ans.
Armés de gants, de sécateurs, d'une petite scie et de sacs à déchets de jardin, des membres de la LPO et de l'OFB débarquent depuis des semi-rigides sur l'île Rouzic, habituellement uniquement foulée par les oiseaux. Les fous de Bassan ont installé leurs nids sur les parties est et ouest de l'île, à l'opposé des terriers des macareux moines.
- Filets de pêche -
Certains fous de Bassan sont déjà revenus en Bretagne en cette fin janvier, mais ils restent sur l'eau, sans mettre patte à terre. Chaque couple retrouve chaque année son nid, assez volumineux pour accueillir le poussin qui pèsera jusqu'à quatre kilos.
Construits pour certains à flanc de falaise, très proches les uns aux autres, ils se composent d'un amas de terre, d'herbes prélevées sur l'île, de plumes et d'algues que les animaux ont recueillies à la surface de l'eau, où ils passent la majorité de leur vie. Mais aussi de débris plastiques, qu'ils confondent avec des algues.
Des cordelettes en nylon bleu ou vert dépassent d'un nid. Plus loin, un bout de filet jaune émerge du sol.
"C'est dans la terre, ça vient, ça ne vient pas? Regarde, j'arrive à le prendre sans déstructurer le nid", commente Dominique Chevillon de la LPO, en extrayant doucement une corde, dont certaines dépassent le mètre.
"L'enjeu est de conserver l'habitat de reproduction" et donc de ne pas abîmer les nids, "certains couples se reproduisent peut-être ici depuis 15 ans", indique Pascal Provost, conservateur de la réserve naturelle.
"L'opération (de nettoyage) commence au sommet de l'île, c'est un travail qui va prendre des années", poursuit-il.
Cette pollution sur une île fermée aux humains, sauf pour des opérations de comptage ou des missions scientifiques, est "révélatrice de l'état de la mer", s'alarme Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. Des centaines de milliers de tonnes, voir des millions de tonnes de plastique finissent dans les océans chaque année, selon des études.
Des négociations internationales, dans le cadre de l'ONU, sont en cours pour déboucher sur un traité devant permettre de stopper la prolifération des déchets plastiques. Elles doivent aboutir d'ici fin 2024.
En France, le Premier ministre Gabriel Attal a promis un plan de réduction de la pollution plastique visant 50 sites, dont les contours doivent encore être précisés.
D'ici là, "des expérimentations sont en cours pour obtenir des filets biodégradables", rappelle Olivier Thibault, directeur général de l'OFB.
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