Récompensés du prix Nobel, trois géants de la chimie reliés par des nanoparticules
Trois hommes, reliés par de minuscules particules. Alexei Ekimov, 78 ans, et Louis Brus, 80 ans, ont fait séparément la découverte il y a plusieurs décennies qu'il était possible de fabriquer un nouveau type de matière -- chacun de leur côté du rideau de fer. Puis dix ans plus tard, Moungi Bawendi, 62 ans et ancien élève de Louis Brus, invente une méthode pour le faire de façon bien plus précise.
Leurs travaux sur les points quantiques, des nanoparticules qui émettent différentes couleurs et changent de propriétés selon leur taille, et qui trouvent aujourd'hui leur application dans les téléviseurs ou encore dans l'imagerie médicale, leur ont valu mercredi le prix Nobel de chimie 2023.
Moungi Bawendi est né en 1961 à Paris en France, d'un père tunisien et d'une mère française. Ses parents émigrent aux Etats-Unis lorsqu'il a 10 ans, et il est diplômé de l'Université de Chicago en 1988.
Il travaille ensuite temporairement avec Louis Brus chez la firme américaine Bell Laboratories, puis rejoint le Massachusetts Institute of Technology (MIT), où il est aujourd'hui professeur.
"Je ne pensais pas que ce serait moi qui aurait ce prix", a modestement dit le chercheur au comité Nobel, qui l'a joint par téléphone. "C'est un secteur avec énormément de gens ayant contribué, depuis le début."
Et même si les points quantiques "sont déjà largement utilisés", "il y a encore énormément de travail enthousiasmant à faire", a-t-il ajouté.
C'est en s'appuyant sur les travaux de ses deux co-lauréats que Moungi Bawendi réussit, en 1993, à créer ces particules de façon bien plus maîtrisée, à l'aide d'un solvant particulièrement bien choisi et d'un jeu de température très précis.
- "Progrès collectifs" -
Alexei Ekimov et Louis Brus ont eux grandi eux dans le contexte de l'après-guerre.
Le premier, né en 1945 dans l'ancienne URSS, est diplômé de l'université d'Etat de Léningrad, aujourd'hui Saint-Pétersbourg.
Il travaille ensuite dans cette ville, notamment à l'Institut d'optique Vavilov, où il fait au début des années 1980 la découverte lui valant aujourd'hui son prix Nobel.
Alexei Ekimov se rend aux Etats-Unis en 1999, où il devient le scientifique en chef de la société Nanocrystals Technology.
C'est aux Etats-Unis, à peu près à la même période, que Louis Brus grandit et se retrouve à travailler sur la même question.
"J'ai été élevé après la Seconde Guerre mondiale, alors que les Etats-Unis développaient de façon spectaculaire la science et la technologie en réponse à la Guerre Froide", écrit Louis Brus lorsqu'il reçoit un autre prix scientifique, le prix Kavli.
Doué pour les sciences et les mathématiques dès le lycée, il grandit dans le centre des Etats-Unis, en banlieue de Kansas City, où il dit avoir "développé un intérêt pour les outils et machines, en travaillant après l'école et les week-ends dans un magasin de bricolage".
Fils d'un homme d'affaires, c'est ce qu'il pense lui aussi devenir. Après avoir reçu son doctorat en 1969 à l'université Columbia à New York, il sert dans la marine américaine, en tant que chercheur dans un laboratoire à Washington.
Puis, en 1972, il commence à travailler pour Bell Labs, où il reste 23 ans. Sa découverte sur les points quantiques remonte à 1983.
Il est aujourd'hui professeur à l'université Columbia et croit fermement dans le pouvoir de la science.
"Les scientifiques se débattent quotidiennement avec leurs expériences, et ont tendance à perdre de vue les progrès collectifs énormes de la science et de la technologie au fil des décennies", a-t-il écrit.
"La science a créé une bien meilleure existence pour l'humanité malgré la guerre, les effondrements économiques, et les catastrophes naturelles."
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