A son procès en France, Sam Rainsy fustige une "culture de violence et d'impunité" au Cambodge
L'opposant historique cambodgien, en exil en France et qui était jugé jeudi à Paris pour diffamation après une plainte émanant du Premier ministre Hun Sen, a dit vouloir "contribuer à mettre un terme à la culture de violence et d'impunité" régnant selon lui au Cambodge, décrivant Facebook comme "sa seule fenêtre d'expression".
M. Rainsy comparaissait pour deux plaintes en diffamation - dont l'une déposée par le Premier ministre cambodgien - pour des propos tenus sur son compte Facebook personnel en juin 2019.
Cofondateur du Parti du salut national du Cambodge (PSNC), le principal parti d'opposition, Sam Rainsy, 73 ans, a longtemps combattu Hun Sen - au pouvoir depuis 37 ans au Cambodge - avant de s'exiler en France où il vit depuis 2015.
Jeudi, M. Rainsy a lancé au tribunal: "Je vous demande d'abord de vous transposer dans un pays où il n'y a pas de liberté d'expression, où tous ceux qui veulent dire la vérité se retrouvent morts, en prison ou en exil".
"Je voudrais contribuer à mettre un terme à cette culture de violence et d'impunité", a-t-il dit.
"Facebook est ma seule fenêtre d'expression", a lâché l'opposant, rappelant avoir "échappé à la mort à plusieurs reprises" et avoir "perdu sa liberté". "C'est mon devoir d'interpeller le monde entier" sur la situation au Cambodge, a-t-il dit.
Selon la plainte déposée à Paris, Sam Rainsy a accusé Hun Sen d'avoir été derrière la mort en 2008 du commissaire Hok Lundy - le chef de la police nationale cambodgienne - tué dans la chute de son hélicoptère.
"Hun Sen a assassiné Hok Lundy par les moyens d'une bombe placée à l'intérieur de son hélicoptère provoquant une explosion lors de son vol au-dessus de la province de Svay Rieng, le 9 novembre 2008. Hun Sen a décidé d'assassiner Hok Lundy car ce dernier connaissait trop les méfaits de Hun Sen", avait déclaré M. Rainsy sur Facebook.
Les avocats de M. Rainsy ont affirmé qu'il n'y avait pas eu de "réelle enquête" sur cet accident au Cambodge et que les "versions officielles" divergeaient ("la foudre" ou un "problème technique").
M. Rainsy était également jugé pour une autre plainte en diffamation, déposée par Dy Vichea, pour des propos qu'il a également tenus sur Facebook en juin 2019. Fils de Hok Lundy, Dy Vichea est commissaire général adjoint de la police nationale cambodgienne et gendre de Hun Sen.
- "Solennité" -
Dans leurs plaidoiries, les avocats de Hun Sen et Dy Vichea ont critiqué la "tribune contre Hun Sen" qu'a voulu selon eux faire de cette audience M. Rainsy.
"Tout opposant que l'on soit, on ne peut pas franchir une certaine limite, c'est celle de la vérité", a déclaré l'avocat Luc Brossolet.
"Les pièces que constituent la base factuelle des accusations de Sam Rainsy sont désespérément vides et grotesques et ne constituent pas une preuve des graves accusations que nous examinons", a-t-il martelé.
De son côté, Jessica Finelle, avocate de Sam Rainsy, a estimé que "le contexte politique du Cambodge est absolument indispensable pour l'appréciation du sujet d'intérêt général", rappelant que son client cumulait quelque "65 années de condamnations de prison ferme" au Cambodge.
"Hun sen a vautré son pays dans la corruption, il n'y a plus de presse libre au Cambodge", a-t-elle déclaré. "Aujourd'hui, la dissidence ne peut plus s'exprimer librement (...) c'est à ce moment là qu'il est de l'intérêt général que les Cambodgiens puissent connaître les actions commises par la personne qui tient leur pays", a-t-elle conclu.
Mathias Chichportich, également avocat de M. Rainsy, a estimé que "le coeur de l'action qui est celle de Hun Sen et Dy Vichea est politique et concerté".
Evoquant la plainte déposée par Hun Sen, Me Chichportich a estimé qu'il était "trop facile de venir demander justice ici alors que là-bas (au Cambodge, NDLR) elle est piétinée".
L'avocat a souhaité "restaurer un minimum de solennité quand on parle d'un homme qui a consacré sa vie à essayer de faire sorte que cela aille mieux dans son pays", a-t-il dit à propos de M. Rainsy.
Le ministère public a estimé qu'il n'y avait de fondement à la plainte en diffamation dans le cas des propos tenus sur Dy Vichea.
Concernant les propos tenus sur Hun Sen, "ils sont bel et bien diffamatoires", a jugé le ministère public, tout en ajoutant qu'il appartiendra au tribunal d'apprécier si "la bonne foi" peut être retenue.
L'audience s'est achevée vers 19H00 locales (17H00 GMT). Le délibéré a été fixé au 10 octobre.
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