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Décimée par une bavure américaine, une famille afghane tente de se reconstruire loin de Kaboul
Décimée par une bavure américaine, une famille afghane tente de se reconstruire loin de Kaboul / Photo: Ahmad SAHEL ARMAN - AFP

Décimée par une bavure américaine, une famille afghane tente de se reconstruire loin de Kaboul

Dans la cour en torchis de la maison, l'impact du drone américain qui a tué "par erreur" dix membres d'une même famille afghane fin août 2021 est toujours visible. Mais un an après, les survivants ont presque tous fui les lieux, espérant un avenir meilleur loin de Kaboul.

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"Je ne souhaite à aucun être humain de traverser ce que nous avons vécu. C'est terrible, inimaginable", confie au téléphone Aimal Ahmad, 32 ans, installé depuis un mois dans un camp de réfugiés au Qatar, dans l'espoir d'être évacué aux Etats-Unis.

Le 29 août 2021, le père de famille a perdu sa fille, Malika, 3 ans, son frère Ezmarai, qui avait travaillé pour une ONG américaine, et plusieurs de ses neveux et nièces. Les dix membres de la famille, dont sept enfants, se trouvaient autour ou dans la voiture familiale garée dans l'exigu patio de la maison visée par un drone américain.

La veille du départ des derniers soldats américains d'Afghanistan, dans un climat d'immense confusion provoquée par la rapide prise de pouvoir des talibans à Kaboul, les membres de la famille seront les dernières victimes civiles recensées.

L'armée américaine a reconnu quelques jours plus tard avoir commis une "erreur tragique" en pensant viser un véhicule chargé d'explosifs appartenant à des combattants du groupe Etat islamique (EI).

Elle n'a pas prononcé de sanctions contre les militaires impliqués faute "d'éléments suffisamment solides pour retenir des responsabilités personnelles", mais l'administration américaine aide actuellement les membres de la famille à être évacués, a déclaré M. Ahmadi.

L'armée américaine a admis avoir tué accidentellement 188 civils depuis 2018 en Afghanistan, selon les chiffres officiels.

- Convoitises -

Un an après, la modeste maison à deux étages, située dans une rue étroite du quartier de Khwaja Bughra dans le nord de la capitale, n'est plus habitée que par une dizaine de membres de la famille éloignée. Les proches des victimes ont préféré fuir les lieux de la tragédie, qui portent encore les stigmates de l'attaque.

Les fenêtres soufflées par l'explosion ont été réparées, les murs de la cour reconstruits et d'autres repeints. Mais au sol, du carrelage est toujours manquant à l'endroit où le drone a frappé. Et le second véhicule de la famille, presqu'entièrement brûlé par l'explosion, gît toujours au milieu de la cour sous une bâche.

"On n'a pas voulu s'en débarrasser en mémoire des victimes et car il a sauvé des vies en protégeant des éclats les femmes qui se trouvaient à l'intérieur de la maison", raconte un neveu de 20 ans, Nasratullah Malikzada, chargé désormais d'entretenir la maison.

"Très triste", le jeune Afghan est résigné: "C'est la volonté de Dieu. Ce qui est arrivé est arrivé, on ne peut pas revenir en arrière. Dieu punira les responsables dans l'au-delà", confie-t-il en passant le portail, au-dessus duquel ont été accrochés les portraits souriants des dix victimes.

Pour la famille, le chemin a été semé d'embûches. Aimal, qui travaillait avec des entreprises étrangères, a perdu son travail et un de ses frères a été menacé par des inconnus qui voulaient s'en prendre à son argent.

L'annonce par Washington du versement de compensations à la famille a suscité les convoitises dans un pays en détresse économique. Mais à ce jour, la famille n'a toujours reçu aucun subside et s'est fait épauler par un avocat - qui n'était pas joignable -, afin de défendre ses intérêts.

La voix épuisée, Aimal se dit confiant dans la promesse faite par les Américains de les dédommager et aspire, dès qu'il aura ses papiers, à rejoindre ses deux frères qui sont déjà aux Etats-Unis. Sa soeur, souffrante, a quitté la maison pour un endroit sécurisé de Kaboul, avec l'espoir elle aussi d'être évacuée.

"J'espère qu'un avenir meilleur m'attend", souffle le trentenaire.

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