Drame du car de Rochefort: le chauffeur du camion condamné à 5 ans de prison avec sursis
Le chauffeur d'un camion-benne dont l'oubli tragique avait provoqué la mort de six adolescents, le 11 février 2016 à Rochefort (Charente-Maritime), dans une collision avec leur bus de transport scolaire, a été condamné jeudi à cinq ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de La Rochelle.
"On arrive à une fin qui va permettre à tout le monde de pouvoir se reconstruire. L’important, c’est que justice soit faite", a commenté l'avocat de plusieurs parties civiles Me Stéphane Ferry, saluant un "délibéré digne et remarquable".
Le 29 mars, au moment des réquisitions, le parquet avait déjà écarté l'incarcération en demandant une peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois avec sursis, à l'encontre du prévenu âgé de 29 ans, Mathieu Saurel, jugé pour "blessures et homicides involontaires".
"Ils l’ont pris avec sérénité, ils ont estimé que c’était peut-être justifié, en tout cas, que cela tenait compte des éléments objectifs du dossier", a déclaré pour sa part Vincent Doutreuwe, avocat d'une famille d’un enfant décédé.
Peu après le délibéré, le prévenu, sous anti-dépresseur et suivi pour un état de stress post-traumatique chronique, est tombé à terre dans la salle d'audience, pris d'un malaise.
Ce matin du 11 février 2016, il conduisait le camion-benne dont la ridelle oubliée en position ouverte avait littéralement cisaillé un car scolaire arrivant en sens inverse, tuant six passagers de 15 à 18 ans et en blessant grièvement deux autres.
A l'horizontale, cette lourde paroi métallique amovible qui sert à maintenir en place le chargement s'était comme transformée en lame géante sur la route, sectionnant sur tout le flanc gauche du bus les sièges où étaient assis une partie des jeunes passagers. L'un des plus graves accidents de transport d'enfants en France depuis celui de Beaune en 1982 (53 morts dont 44 enfants).
Au terme de six ans de procédure, une quarantaine de parties civiles avaient suivi le procès du drame, les 28 et 29 mars dans une salle comble saisie par l'émotion en entendant le récit des vies "détruites" de jeunes rescapés et de proches de victimes.
"On ne pouvait être que déçus par rapport à ce qui est arrivé (...) Il va repartir à son taf, on va tous repartir, nous, notre peine est éternelle, ça ne va pas changer grand-chose pour l’instant", a estimé Jean-Marc Aulier, père de Kévin, décédé dans l'accident, jugeant le délibéré "léger".
- "Maudite ridelle" -
Dans ce drame, "la seule explication possible" est que "M. Saurel a oublié de refermer (la ridelle) avant de prendre la route" et de procéder aux vérifications visuelles d'usage, a souligné le président du tribunal Régis France, rappelant que l'enquête a mis hors de cause l'alcool, la vitesse, le téléphone et toute défaillance propre au camion-benne.
"Cette inattention et cette négligence de M. Saurel (...) caractérise une faute simple, cause directe, unique et immédiate des conséquences dramatiques de l'accident", a-t-il poursuivi devant le prévenu immobile, qui n'ira donc pas en prison, sa peine étant "intégralement couverte par un sursis simple".
"Sans nier en aucune façon les conséquences irréparables pour les familles", le tribunal a expliqué avoir tenu compte de la personnalité du prévenu menant "une vie honnête et droite", décrit comme "posé, sérieux, pointilleux et consciencieux", par ses anciens collègues de la société de BTP Eiffage. A titre de peine complémentaire, il ne pourra plus conduire de poids-lourds pendant cinq ans.
A son procès, écrasé par le remords et en larmes, le prévenu, aujourd'hui préparateur de commandes, s'était dit incapable de se souvenir s'il avait remonté cette "maudite ridelle", avant d'admettre l'évidence, confronté aux témoignages et expertises et d'exprimer ses "profonds regrets". "Cette affaire me hantera toute ma vie comme les autres ici", avait-il dit.
Le jeune homme avait comparu seul, en l'absence de son ex-employeur Eiffage qui a bénéficié d'un non-lieu, la justice estimant qu'"aucun manquement" aux règles de sécurité ne pouvaient lui être reproché.
A l'époque, aucune norme n'imposait aux camions-bennes d'être équipés d'alarmes sonore et visuelle qui auraient prévenu le conducteur. La législation a depuis été renforcée en 2020.
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