Pour débloquer l'offre de logements, le gouvernement réforme les HLM
Pour tenter de débloquer le parcours résidentiel des Français, le gouvernement touche à plusieurs règles du logement social dans son projet de loi présenté vendredi, dont certaines mesures font bondir les associations.
Le ministre délégué chargé du Logement Guillaume Kasbarian répète vouloir créer les conditions d'un "choc d'offre" pour mieux loger les Français, en particulier les classes moyennes.
"Il nous faut construire tous les types de logements pour tous les Français: des logements sociaux, des logements intermédiaires, des logements libres", a précisé M. Kasbarian lors du compte rendu du Conseil des ministres.
Ce projet de loi entend, selon le ministère, "offrir de nouveaux outils aux maires pour construire, simplifier les procédures administratives pour construire plus vite, libérer l'investissement dans le logement abordable, faciliter l'accès au logement des Français".
Mais il vise surtout le logement social, ce qui a suscité une levée de boucliers.
Les cinq principales associations de locataires HLM ont fustigé une "chasse aux pauvres". "On marche sur la tête !", s'est exclamée dans un communiqué Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France.
Particulièrement ciblé, l'assouplissement annoncé de la loi SRU, qui impose aux villes des quotas de logements sociaux. L'exécutif souhaite que des communes hors des clous puissent, à l'avenir, intégrer le logement intermédiaire, plutôt destiné aux classes moyennes, dans une partie de leur production servant à rattraper leur retard - sans toucher à l'objectif final de 20 ou 25% de HLM.
"Pourquoi vouloir affaiblir la loi SRU, donner une prime à ceux qui ne l'ont pas suffisamment appliquée depuis 20, 25 ans, alors que d'autres s'y sont collés?", s'étonne auprès de l'AFP Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
"La loi vient, de manière pragmatique, proposer une solution autre que celle de la répression, avec des amendes qui de fait ne fonctionnent pas", rétorque le député de la majorité Bastien Marchive qui défend un texte "de justice sociale".
- Crise du logement -
Premier poste budgétaire des ménages, le logement connaît en effet une crise inédite. Le nombre de permis de construire accordés n'a pas été aussi bas depuis plus de 30 ans.
Ce coup d'arrêt se répercute sur toutes les étapes du parcours résidentiel: l'accession à la propriété est plus inabordable que jamais, trouver un logement à louer est un parcours du combattant... et, plus bas dans l'échelle sociale, le nombre de ménages en attente d'un HLM a atteint le niveau record de 2,6 millions, tandis que 4,2 millions de personnes sont mal logées.
Cette crise provient pour une part de la conjoncture, avec des matériaux de construction plus chers ou des taux d'intérêt en hausse; pour une autre de décisions de l'Etat, qui a réduit les dépenses ou renforcé des normes qui renchérissent les coûts de construction.
Si le projet de loi simplifie des règles pour faciliter l'acte de construire, il n'y a pas d'aides financières à la production de logements, l'heure étant à l'austérité budgétaire.
Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, confédération des bailleurs sociaux, s'est dite déçue d'un "texte de loi technique sans grande vision et sans ampleur, et qui d'ailleurs n'aborde que très peu la production de logements et les moyens d'inverser la tendance."
"Ce dont on a besoin, c'est d'une relance de la construction de logements sociaux. Et les dispositions prises dans ce texte se font dans un cadre budgétaire limité", a aussi taclé la sénatrice UDI Amel Gacquerre.
- "Le logement social à vie n'existe pas" -
La latitude supplémentaire donnée aux maires pour attribuer des HLM neufs a aussi fait craindre aux associations de locataires un "clientélisme électoral (...) voire (une) préférence nationale".
"Il y a évidemment un certain nombre de garde-fous", répond un conseiller du ministre, même si le principe qui prévaut est la "confiance".
Le texte permet aux bailleurs sociaux de détenir davantage de logements intermédiaires, et d'augmenter le loyer d'un logement social lorsqu'il change de locataire.
Autre disposition controversée, il abaisse les plafonds de ressources au-delà desquels des locataires verront leur loyer augmenter, voire pourront être expulsés.
"Nous souhaitons que les bailleurs vérifient que ceux qui sont actuellement dans le parc de logements sociaux restent bien légitimes à y rester. Car oui, le logement social à vie n'existe pas", a affirmé Guillaume Kasbarian.
"Pour aller où? C'est encore des petites ressources pour un ménage. Et les marches entre le logement social et le logement privé, dans certains territoires, elles sont très, très hautes!", plaide auprès de l'AFP Christophe Robert.
Le texte sera d'abord examiné au Sénat, vers la mi-juin, avant d'aller à l'Assemblée à la rentrée prochaine.
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