Retour fragile au calme à Port-au-Prince après une soirée d'affrontements entre gangs et police
La population de Port-au-Prince évalue samedi l'ampleur des dégâts après une nouvelle soirée d'affrontements entre police et bandes armées, les autorités de la capitale haïtienne évoquant plusieurs assaillants tués.
Des véhicules calcinés étaient visibles samedi sur le parking du ministère de l'Intérieur haïtien et dans les rues environnantes, selon un correspondant de l'AFP.
La veille au soir, des hommes armés avaient mené des attaques contre le palais national présidentiel et le commissariat de Port-au-Prince, a indiqué à l'AFP Lionel Lazarre, coordonnateur général du Syndicat national de policiers haïtiens (Synapoha).
Les forces de l'ordre les ont repoussés et ont tué plusieurs assaillants, a-t-il ajouté, précisant qu'"aucune victime n'avait été enregistrée au sein de la police".
La capitale a retrouvé un calme précaire samedi matin, selon un correspondant de l'AFP.
Les bandes criminelles, qui contrôlent la majeure partie de la capitale ainsi que les routes menant au reste du territoire, s'en prennent depuis plusieurs jours aux commissariats, prisons ou encore tribunaux, en l'absence du Premier ministre Ariel Henry, dont elles réclament la démission tout comme une partie de la population.
Celui-ci est, selon les dernières nouvelles, bloqué dans le territoire américain de Porto Rico après un voyage à l'étranger.
Le gouvernement haïtien a décrété l'état d'urgence dans le département de l'Ouest qui comprend Port-au-Prince, ainsi qu'un couvre-feu nocturne, difficilement applicable compte tenu des forces de l'ordre déjà dépassées.
- L'aide en péril -
Fabiola Sanon, habitante de Port-au-Prince, a raconté à l'AFP comment son mari, James, 32 ans, avait été tué au cours des récentes violences.
"James n'a jamais été en conflit avec personne. Il est un simple vendeur de cigarettes", a-t-elle confié après l'avoir retrouvé "étendu dans la rue".
Tous les matins, avant d'emmener leur fils à l'école, "James se levait à cinq heures pour aller travailler et réunir l'argent du petit-déjeuner", a-t-elle raconté, très éprouvée.
Face à cette flambée de violence, la Communauté des Caraïbes (Caricom) a convié des représentants des Etats-Unis, de la France, du Canada et de l'ONU à une réunion lundi en Jamaïque.
"Des questions cruciales pour la stabilisation de la sécurité et la fourniture d'une aide humanitaire urgente" seront abordées, a précisé le président du Guyana Mohamed Irfaan Ali, qui assure la présidence tournante de cette organisation régionale.
En raison de l'insécurité, les administrations et écoles sont fermées, tandis que ni l'aéroport ni le port ne fonctionnent plus.
Le directeur général de l'Autorité portuaire nationale (APN), Jocelin Villier, a fait état de pillages sur le port.
-Femmes -
L'ONG Mercy Corps a alerté sur les risques pour l'approvisionnement de la population du pays le plus pauvre des Amériques.
"Avec la fermeture de l'aéroport international, le peu d'aide fournie actuellement à Haïti pourrait ne plus arriver", a prévenu l'ONG jeudi. Et "si l'on ne peut plus accéder à ces conteneurs, Haïti aura faim bientôt".
"Si la paralysie de la zone métropolitaine de Port-au-Prince se poursuit au cours des prochaines semaines, près de 3.000 femmes enceintes risquent de ne pas pouvoir accéder aux soins de santé essentiels", ont alerté dans un communiqué commun plusieurs représentants de l'ONU en Haïti.
Selon eux, "près de 450 d'entre elles pourraient souffrir de complications obstétricales potentiellement mortelles sans assistance médicale qualifiée".
"Environ 521 survivants de violences sexuelles pourraient se retrouver sans soins médicaux" d'ici fin mars, ont-ils ajouté, alors que les gangs sont accusés d'utiliser ces violences pour installer la peur.
"Trop de femmes et de jeunes femmes en Haïti sont victimes de la violence aveugle commise par les gangs armés", a commenté la coordinatrice humanitaire de l'ONU pour le pays, Ulrika Richardson, ajoutant que les Nations unies "s'engagent à continuer à leur apporter" une assistance.
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