L'agrément de l'association anticorruption Anticor non renouvelé
L'exécutif n'a pas renouvelé l'agrément permettant à l’association Anticor d'intervenir dans des dossiers de lutte contre la corruption, une décision qualifiée de "cadeau de Noël aux corrupteurs" par l'avocat de l'ONG qui va la contester devant la justice administrative.
La ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, à qui la tâche de renouveler ou non cet agrément a été dévolue in extremis dans un décret du 24 décembre, avait jusqu'à mardi minuit pour le faire.
N'ayant pas répondu à la demande de l'ONG anticorruption, qui avait déposé en juin une nouvelle demande d'agrément après l'annulation du précédent par la justice, ceci équivaut à une "décision implicite de refus", selon une source au ministère des Affaires étrangères.
Celle-ci "peut faire l’objet d’un recours devant la même justice administrative qui pourra statuer sur son bien fondé", a précisé cette source. "La possibilité pour cette association comme pour d’autres de signaler des dossiers à la justice et de porter plainte reste intacte", a-t-elle par ailleurs assuré.
"Cette décision ne nous surprend pas malheureusement car nous sommes bien conscients que nos actions contre la corruption agacent profondément le gouvernement", a réagi auprès de l'AFP Elise Van Beneden, présidente du bureau de l'ONG.
L'agrément permet à l'association d’agir en justice dans les affaires de corruption et d’atteinte à la probité présumées, notamment en cas d’inaction du parquet.
Ce refus implicite "intervient après une instruction de six mois durant laquelle aucun dysfonctionnement ne nous a été reproché par le gouvernement et alors même que la Première ministre a considéré en octobre dernier qu'Anticor remplissait toutes les conditions pour être agréée", a ajouté Mme Van Beneden.
- Décision "scandaleuse" -
"C'est un cadeau de Noël pour les corrupteurs", a cinglé de son côté l'avocat d'Anticor, Me Vincent Brengarth, jugeant cette décision "scandaleuse".
"Elle torpille la lutte contre la corruption et met un peu plus à mal le devoir d’exemplarité", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'elle confirmait "l’inanité de la procédure d’agrément, dans laquelle les gouvernants peuvent tour à tour être censeurs de l’action des associations et mis en cause".
Anticor va "contester cette décision devant la justice administrative", selon Mme Van Beneden, qui a dit être "d'une certaine manière soulagée de pouvoir enfin démontrer que l'association remplit bien tous les critères pour être agréée, à l'abri des considérations politiques du gouvernement".
En juin, le tribunal administratif de Paris avait annulé un arrêté signé en avril 2021 par le Premier ministre d'alors, Jean Castex, qui renouvelait pour trois ans cet agrément, une décision confirmée par la cour administrative d'appel le 16 novembre.
Le tribunal administratif avait été saisi par deux dissidents de l'association qui estimaient la procédure de renouvellement de l'agrément irrégulière et jugeaient que l'association ne remplissait pas les conditions exigées pour être agréée.
Après la décision du tribunal administratif, l'ONG avait déposé en juin une nouvelle demande d'agrément.
- Plus de 160 procédures -
L'analyse de cette demande avait fait l'objet d'un déport du ministre de la Justice en faveur de la Première ministre Elisabeth Borne, Anticor étant impliquée dans la procédure visant Eric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République (CJR). Puis le 24 décembre, in extremis, la cheffe du gouvernement s'était elle aussi déportée, confiant cette tâche à la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna.
Selon Mme Van Beneden, il existait en effet pour Mme Borne "un risque de conflit d'intérêts dans deux dossiers" dans lesquels Anticor figurait.
Créée en 2002, Anticor est impliquée dans plus de 160 procédures dont l'attribution du Mondial de football au Qatar ou encore l'enquête pour prise illégale d'intérêts visant le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler.
Des plaintes d'Anticor ont entraîné des poursuites concernant la cession de la branche énergie d'Alstom à General Electric et une enquête préliminaire dans les contrats russes d'Alexandre Benalla, l'ex-conseiller du président de la République Emmanuel Macron.
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