Le scandale des déchets transfrontaliers en procès à Lille
"C'est dégueulasse": à l'entrée de Rédange (Moselle), à la frontière luxembourgeoise, 250 tonnes de déchets polluent les sols depuis quatre ans, résultat d'un vaste trafic en provenance de Belgique, pour lequel dix prévenus sont jugés à partir de lundi à Lille.
Daniel Cimarelli, maire de Rédange, se souvient: "C'était des camions entiers de 35 tonnes qui ont été déversés", en octobre 2019, sur un terrain privé de sa commune.
Depuis, l'amas de débris, tant ménagers qu'industriels, se dégrade, sent mauvais en été et, selon des riverains, ruisselle dans des étangs en contrebas. Il trône sur un ancien site sidérurgique, dans cette commune frontalière du Luxembourg également située à quelques kilomètres de la Belgique.
"C'est dégueulasse", souffle Jessica Dautruche, du collectif "J'aime ma forêt". "On essaie d'interpeller un peu tout le monde depuis quatre ans, mais malheureusement les réponses qu'on a eues sont assez minces".
Au cours de l'instruction ayant abouti au renvoi de dix personnes devant la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille, les enquêteurs ont mis au jour un système organisé de collecte, transport et déversement de déchets belges dans l'est et le nord de la France.
"Chacun se renvoie la balle et ce n'est pas facile de savoir qui est responsable", abonde M. Cimarelli, même si selon les textes, c'est "à la société belge" responsable de ces dépôts illégaux "de venir les chercher".
D'autres sites ont été depuis nettoyés.
- Escroqueries -
Dans ce premier dossier Jirs portant sur un trafic de déchets, une escroquerie à l'encontre de centres de retraitement français a été mise en lumière.
"Sous cette apparence, une fois qu'ils avaient récupéré les déchets et qu'ils avaient été rémunérés, ils les déposaient sur des terrains de collectivités ou de particuliers et s'en débarrassaient comme ça, ni plus ni moins".
L'enquête a également permis d'établir qu'une organisation unique avait été à l'origine de ces dépôts sauvages. Elle aurait d'abord effectué des dépôts dans des centres de retraitement, en France, dont certains ont déposé plainte pour escroquerie: faux documents, usurpation d'identité commerciale, factures non honorées...
Le préjudice est estimé à plus de 1,5 million d'euros, pour près de 10.000 tonnes de déchets.
- L'Europe à la peine -
L'un des principaux prévenus, Johnny Demeter, se dit négociant et courtier de déchets. Il aurait organisé ces transports, sans les autorisations obligatoires, entre 2018 et 2021.
Interrogé par France 2 en 2020, il disait être lui-même victime d'un autre intermédiaire.
Selon l'enquête, l'équipe est principalement structurée autour de la famille Demeter, avec des faits qui se sont déroulés jusqu'aux interpellations en juin 2021. La circonstance aggravante de "bande organisée" a été retenue.
Parmi les parties civiles, des communes, des sociétés, mais aussi des associations écologistes. Leurs attentes ? "Une condamnation à la remise en état des sites" voire une dépollution, selon Laure Derson, juriste à l'association Lorraine Nature Environnement.
Selon un document consulté par l'AFP, "cette pénétration de la criminalité organisée dans le domaine du déchet est également facilitée par le fait que les pouvoirs publics européens peinent à trouver des solutions à la hauteur des enjeux écologiques", alors que ces pays "produisent plus de déchets qu'ils ne peuvent en retraiter".
"Avant, c'était une atteinte à l'esthétique", retrace le sous-préfet de Thionville (Moselle), Philippe Deschamps. "Or, l'essentiel est ailleurs", sur le plan environnemental, avec des déchets qui "entrent dans les nappes phréatiques".
Des opérations de contrôle des douanes se multiplient. "Pour nous, cette lutte est une priorité", indique à l'AFP Mathieu Boffy, chef divisionnaire Lorraine-Nord des douanes. C'est "un enjeu de sécurité publique et de lutte contre la pollution de l'air et du sol. On doit être extrêmement vigilants".
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